Peut-on faire confiance à l'IA pour traduire ?
Avec les progrès de l’Intelligence Artificielle, la machine remplace de plus en plus l’humain et permet de réaliser de substantielles économies en un temps record. Personne n’aura échappé à l’effervescence qui règne autour de Chat GPT depuis le début de l’année 2023 :
« Un nouveau cap est franchi par l’IA.
Plus rien n’arrêtera dorénavant les robots ! ».
Ainsi s’émerveillent-ils tous, enthousiasmés par cette technologie qui ne connaît plus aucune limite désormais. Au point que l’homme n’aurait dorénavant plus aucun effort à faire, voire serait bientôt inutile.
L’intelligence artificielle : summum de la science ou juste miroir aux alouettes ?
L’on peut raisonnablement se poser la question de l’efficacité de la machine dans certains secteurs, notamment dans celui de la traduction : peut-on faire entièrement confiance à la machine et se passer totalement d’un traducteur humain ?
Car dans le monde actuel, tout le monde pense en termes de coûts, rentabilité, profits… et contourner le traducteur pour réaliser quelques économies semble être une bonne idée pour beaucoup.
Mais est-ce vraiment une bonne idée de s’économiser des frais de traduction en recourant à l’IA ?
Comment fonctionne la traduction par machine ?
Commençons par expliquer comment les machines parviennent à traduire des textes, car le simple profane se fait très probablement des films.
Non, la machine n’a pas suivi une formation accélérée en langues étrangères, n’a pas bénéficié de cours de grammaire, de syntaxe, ni passé des heures à ingurgiter des verbes irréguliers… Toutes ces heures de torture auxquelles l’étudiant en langues aura été soumis pendant des années.
Interrogé, Bing m’informe que « Oui, l’intelligence artificielle est capable de traduire des textes d’une langue à une autre en utilisant des algorithmes complexes qui analysent les modèles linguistiques et produisent des traductions fidèles […] Les logiciels de traduction basés sur l’intelligence artificielle, comme Google Translate, […] utilisent des réseaux neuronaux pour mimer le fonctionnement du cerveau humain. Cependant, l’intelligence artificielle n’est pas encore parfaite et peut faire des erreurs ou des approximations dans certaines situations. »
Les premières plateformes de traduction automatique sont apparues il y a déjà quelques années, et depuis elles se multiplient. De plus en plus de gens les utilisent, soit à titre professionnel, soit à titre personnel. En général pour comprendre des informations reçues dans une langue insuffisamment, voire pas du tout maîtrisée, soit pour répondre à une personne dans une langue qui n’est pas la nôtre.
Depuis de nombreuses années déjà, ces plateformes travaillent dans l’ombre et récupèrent un grand nombre de traductions existantes, des traductions effectuées par de véritables traducteurs (des humains), et les accumulent dans d’immenses bases de données afin d’alimenter ce que l’on appelle des « mémoires de traduction ». La machine compare ensuite les différentes traductions qu’elle a accumulées (voire volées ou de pillées si l’on considère que les traducteurs n’ont jamais donné leur accord pour cet usage) et considère que plus les traductions sont identiques ou se ressemblent, plus elles sont – en toute logique – correctes. Ainsi, peu à peu, à la façon d’une encyclopédie qui emmagasine des informations, la machine amasse des traductions jusqu’au jour où elle en a suffisamment et où elle peut puiser dans son stock pour « effectuer elle-même » le travail de traduction.
Voilà le petit miracle qui se cache derrière la machine translation, la traduction par machine interposée. Admirez au passage comment l’IA s’approprie les lauriers qui devraient revenir aux traducteurs, puisque son travail est principalement constitué de plagiat.
Les différents outils de traduction en ligne
Pour commencer, le profane n’est certainement pas conscient qu’il existe de nombreux traducteurs automatiques différents, et que ceux-ci ne se valent pas tous.
Testez n’importe quelle phrase via les différentes plateformes, et vous constaterez par vous-même que le résultat est rarement identique d’une plateforme à l’autre.
Le choix est vaste, depuis des outils de traduction en ligne, certains déjà très anciens, comme Reverso, Systran, Linguee ou Google Translator, qui traduisaient au départ juste des mots ou expressions, jusqu’aux plus récents DeepL et Chat GPT, en mesure de traduire des textes complets.
Il est également possible d’installer des extensions (plug-ins) permettant de traduire automatiquement les pages des sites Internet que vous consultez.
À ces outils disponibles gratuitement en ligne pour tout le monde, il convient également d’ajouter les outils de traduction automatique, plus spécifiquement à destination des traducteurs professionnels. Ces derniers sont mis en œuvre par les agences de traduction ou des entreprises privées.
Pour l’instant, la majorité des agences de traduction considèrent que les traductions réalisées par l’IA ne sont pas 100 % fiables. En conséquence, elles demandent aux traducteurs de vérifier le résultat obtenu par la machine et éventuellement de corriger, compléter ou améliorer la traduction obtenue. L’agence peut ainsi réaliser de substantielles économies puisque le traducteur est en mesure d’effectuer la tâche plus rapidement. Et tout le monde sait que le temps c’est de l’argent.
Un jour peut-être écrirai-je un livre avec toutes les perles des traductions réalisées par les machines, à la façon de Jean-Charles avec sa Foire aux Cancres.
Quelle est la fiabilité des traductions par machine ?
- que notre pensée est conditionnée par la langue dans laquelle nous nous exprimons : avec le vocabulaire à notre disposition, la syntaxe existante, les règles de grammaire…
- mais aussi que la langue est conditionnée par notre culture, notre religion, notre histoire…
- et que réciproquement, cette langue façonne aussi notre manière de penser.
- Plus les langues sont proches du point de vue de la syntaxe, plus l’IA aura de facilité à obtenir un résultat correct. Si les langues sont très différentes, l’IA aura du mal à organiser correctement les phrases, et d’autant plus si elles sont longues et compliquées.
- Plus la machine parvient à emmagasiner de données, meilleur sera le résultat. Vous comprendrez donc que plus une langue est répandue (comme l’anglais), plus le nombre de données sera important. En revanche, lorsque la machine aura beaucoup plus de difficultés à accumuler des données dans des langues « insolites », il sera plus difficile de se fier au résultat obtenu. En conséquence, vous devrez afficher une certaine prudence.
- Plus le texte est compliqué, en raison du style, du vocabulaire, de la syntaxe, du domaine spécifique…, plus la machine éprouvera de difficultés à fournir un résultat de qualité.
Qualité des traductions réalisées grâce à l'IA et hallucinations
Suivant les domaines, les langues source et cible, la technicité d’un texte, la structure des phrases, les résultats d’une traduction avec l’IA sont très variables.
Récemment, grâce à une importante liste d’articles de mode (vêtements, sacs…), je dois vous avouer que je suis tombée sur de véritables petits bijoux de traduction par l’IA. Ces traductions erronées, totalement extraordinaires, que l’on a surnommée « hallucinations » – et il y une bonne raison à cela. Pour preuve, la description en italien d’une robe :
La costruzione con cuciture alla francese crea un effetto ancora più fasciante.
a donné lieu à la traduction suivante par le traducteur automatique d’une plateforme en ligne mise à disposition par une agence de traduction :
Bien évidemment la traductrice (qui pique un fou rire au passage) n’ose reproduire ici intégralement le résultat, bienséance oblige !
– Le mot construction est parfois employé pour les vêtements, personnellement je le trouve un peu maladroit (un vêtement n’est pas un assemblage de briques !) ;
– De plus, en français, on parle de « coutures à l’anglaise » et non à la française. Il s’agit donc clairement d’une traduction erronée.
– Mais le pompon, vous l’aurez tous compris, c’est bien « l’effet b*nd*nt » !
La machine se serait-elle trompée ?
Réponse de la traductrice humaine : oui, sans l’ombre d’un doute.
Mais l’humaine comprend aussi la raison de l’erreur.
Voici le raisonnement de la « bête » :
La machine n’ayant pas trouvé le mot fasciante dans sa base de données, elle a recherché un mot qui s’en rapprochait. Et elle a trouvé le nom fascia (qui signifie faisceau, bande, bandeau), dont découle le verbe fasciare (envelopper dans une bande, bander), puis le gérondif présent fasciante (« mettant une bande »), d’où cet extraordinaire « effet b*nd*nt » inattendu).
Explication technique de l’hallucination : se retrouvant sans information dans sa base de données, et donc sans solution toute faite, la machine a raisonné par analogie. Elle a appliqué ici ce qui fonctionne dans certains cas, pour certains verbes. Bien évidemment, la machine n’a aucune information quant à la signification très particulière du mot français qu’elle a proposé.
Si le raisonnement de l’IA peut paraître logique, avouez, mesdames, que l’argument commercial est de taille ! (;-))
Malheureusement, il s’agit ici d’une erreur particulièrement grave si l’entreprise qui vend ce vêtement n’a pas un niveau suffisant en français pour corriger l’erreur et que cette traduction est imprimée sur un catalogue ou publiée sur un site Internet !
J’en entends déjà certains me répondre : « Ah, les boules ! » (re-smiley).
Deuxième résultat renversant (beaucoup moins drôle celui-ci) : nous passons à la description d’un sac à main en pelle di capretto. Cette fois-ci, au lieu de la traduction attendue – « cuir caprin » – la machine a trouvé un résultat plus que surprenant et douteux : elle indique que l’article est réalisé en « peau d’enfant » !
J’avoue que dans ce cas bien précis, j’ai un peu de mal à suivre la logique de la « bête ». Certes, pelle, c’est à la fois la peau et le cuir (dans le cas de la maroquinerie), mais comment la machine a réussi à partir d’une chèvre pour aboutir à un enfant reste un mystère !
Heureusement que l’humaine est intervenue pour vérifier la traduction et corriger l’erreur de la machine !
Les limites de la traduction par l'IA
Les traducteurs ne sont pas encore totalement inutiles, puisque l’œil humain du professionnel reste indispensable si l’on veut garantir une traduction de qualité. Les agences l’ont bien compris en recourant de plus en plus à ce qu’on appelle dans le jargon des linguistes la MTPE, c’est-à-dire la révision de traduction par machine (Machine Translation Post Edition).
Au vu des exemples fournis ci-dessus, il est raisonnablement difficile de parler d’INTELLIGENCE de la machine dans le cas de la traduction. Les machines vont simplement piocher dans des bases de données. La moindre faille du système (erreur informatique, coquille dans le texte source, mot absent dans la base de données, domaine et/ou terminologie très spécifiques…), et c’est la catastrophe !
Certes les machines vont progresser, mais les langues sont vivantes, elles évoluent avec les époques, chaque génération a une façon différente de s’exprimer, et les nouveautés en tous genres vont continuer de proliférer, générant sans cesse de nouveaux termes.
La machine par conséquent semble vouée à pourchasser éternellement les évolutions des différentes langues, mais les rattrapera-t-elle un jour ?
D'ailleurs, qu'est-ce que l'intelligence ?
Savoir par cœur n’est pas savoir, disait en son temps Michel de Montaigne. Il avait bien raison.
L’accumulation de données et d’informations n’a jamais transformé quiconque en savant. Éventuellement en sachant, ce qui n’est pas du tout la même chose.
Si l’on se base sur l’étymologie, le mot « Artificiel » signifie « fait avec art ».
Mais il est encore plus fascinant de vérifier les différentes définitions que propose Le Petit Robert :
ARTIFICIEL :
1. Qui est le produit de l’activité, de l’habileté humaine (opposé à naturel) : Lac artificiel. Fécondation artificielle. Fleurs artificielles ; factice, faux. Arôme artificiel. au figuré : Les paradis* artificiels. Intelligence* artificielle.
2. Créé par la vie sociale, la civilisation ; culturel : Des besoins artificiels.
3. Qui ne tient pas compte des caractères naturels, des faits réels : Classification artificielle ; arbitraire.
4. Qui manque de naturel, affecté, feint : Une gaieté artificielle, forcée.
Si vous ne l’avez pas relevé au point 1, je vous l’indique à nouveau ici :
« artificial intelligence » = « fake intelligence » (intelligence factice).
Ce que le dictionnaire nous apprend, c’est que l’intelligence artificielle n’est qu’une illusion. Si la machine ne dispose pas d’une base de données suffisamment complète et exacte (qui doit lui être fournie par l’humain), elle risque fort d’inventer un résultat erroné. Enlevez-lui les bases de données et elle se retrouvera dans l’incapacité totale de régurgiter quoi que ce soit.
J’espère que cet article vous aura permis de prendre un minimum de recul et peut-être regarderez-vous le résultat obtenu à l’aide d’une traduction-machine d’un autre œil.
En résumé, il est possible de recourir à la traduction automatique aidée par l’IA, mais pour un usage privé, si vous souhaitez comprendre un document rédigé dans une langue inconnue. En revanche, si la traduction est à des fins de publication ou d’impression, toute traduction réalisée par l’IA devra impérativement – au minimum – être vérifiée par un traducteur professionnel ou par une personne maîtrisant parfaitement la langue d’arrivée. La vigilance est de mise.
Et la prochaine fois que vous envisagerez de faire appel à l’intelligence artificielle pour réaliser vos traductions, ayez une petite pensée pour les « robes à l’effet plus b*nd*nt » et les « sacs à main en peau d’enfant ».
Si vous envisagez de recourir à un traducteur professionnel plutôt qu’à l’IA après avoir lu cet article, vous pouvez me contacter en vous rendant sur la page Contact de ce site en cliquant sur le lien ci-dessous.
Vous souhaiteriez faire traduire en français des contenus en anglais ou en italien ?
Je serai ravie de vous aider !
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